Comment surmonter la peur de l’échec dans l’entreprenariat?

Alexandre Dana est le fondateur de Live Mentor, institut de coaching d’entrepreneur. Dans son livre « Entreprendre et surtout être heureux », il nous livres les pièges sur la route de l’entrepreneur. Et en premier lieu les défis émotionnels qui viennent toucher l’entrepreneur comme la peur de l’échec…

Ma démarche est de prouver que l’acte d’entreprendre génère des défis émotionnels, des défis psychologiques, des défis en termes de bien-être. Et j’en suis arrivé à cette conclusion après cinq années à accompagner des créateurs, des créatrices entreprises. Donc aujourd’hui, Live Mentor est devenu donc l’organisme de formation de référence en France pour cette population là. Et depuis cinq ans, ce qu’on enseigne, ce sont des compétences concrètes, des hard skills, des compétences techniques comme savoir se vendre, savoir modéliser ses finances, savoir recruter et savoir déléguer, savoir communiquer sur les réseaux sociaux. Mais attention, en fait, il y a d’autres choses en parallèle de ses compétences concrètes, de ces hard skills liés à l’entreprise. Il y a des défis émotionnels et psychologiques et on voit toujours les mêmes revenir dans nos accompagnements. Et on pouvait. On ne pouvait pas, selon moi, rester légitime sur notre rôle d’accompagnement des entrepreneurs si on ne reconnaissait pas ces blessures psychologiques.

La peur de l’échec est la plus fréquente. Je pense tout de suite à quelqu’un que j’ai accompagné il y a deux mois. Un projet de e commerce qui vend de l’artisanat. Elle est morte de peur à l’idée de contacter la presse spécialisée dans son domaine. Elle est morte de peur à l’idée de contacter des influenceurs sur les réseaux sociaux qui pourraient parler de ces produits. Elle est aussi morte de peur à l’idée d’aller voir un banquier pour un prêt, de peur que la personne dise non en face. Donc la peur de l’échec, c’est quelque chose de paralysant, qui fait, selon moi, écho à la différence fondamentale entre notre système éducatif qui condamne l’échec, qui bannit l’échec, qui rend l’échec traumatique traumatisant et la réalité entrepreneuriale. Donc, si on se remet dans le contexte, on a des écoles, comme l’a très bien montré Ken Robinson, qui sont pensées comme les usines. On a un produit, une matière première qui rentre et on a un produit fini qui sort. La matière première, ça a un nom, un enfant et le produit fini, c’est quelqu’un qui a un diplôme super spécialisé. Et le message qu’on répète en fait à chaque année, c’est qu’il ne faut pas échouer. Vous avez une note, il faut avoir une bonne note et pas une mauvaise note. Il faut passer dans la classe d’après. Et puis ensuite, il faut avoir les bonnes universités, les bonnes écoles etc… Si vous échouez? Je crois qu’on sait, on s’en souvient tous et toutes quand on est enfant. La peur du redoublement ! Vous perdez vos amis qui passent dans la classe d’après et pas vous, vous êtes vu comme la personne qui est retardataire et d’ailleurs on appelle, on appelle ces personnes-là les personnes retardataires. Et le problème, c’est que cette culture là est en opposition totale avec la culture et la réalité entrepreneuriale où il n’y a pas de programme scolaire, il n’y a pas de compétences définies. Il y a besoin de tester des choses et d’échouer pour se rendre compte de ce qui fonctionne ou de ce qui ne fonctionne pas. Et ça, c’est très, très dur comme changement de modèle mental à opérer pour les personnes qui se lancent. Elle cherche la bonne réponse. Elle essaie d’être bonne élève. J’en parle dans le livre. C’est le traumatisme du bon élève. Elle essaie de penser le programme de leur entreprise et de l’imaginer comme on imagine un programme scolaire ou un plan dans une grande entreprise. Si on rentre dans une grande entreprise en tant que salarié, on peut souvent avoir la même réalité que quand on est collégiens, lycéens. On nous donne, via notre manager, via la direction des ressources humaines, une liste d’objectifs à atteindre dans un cadre qui est plutôt contrôlé. On a des moments où on pose nos vacances. Tout ça, c’est assez contrôlé. L’arrivée dans l’entrepreneuriat, c’est l’arrivée dans le chaos. On doit trouver une idée, la tester, se faire connaître, trouver des clients. Et donc, à chaque moment, le risque d’échouer est fort. Ici, la peur de l’échec explose à ce moment-là. Il y a un exercice dont on peut parler, pour aider dans cette peur de l’échec qui est l’exercice de prévention des peurs, qui a été popularisé par un auteur américain, Timothy Ferriss, dans une conférence TED et qui consiste à lister ses peurs, à écrire son scénario catastrophe et à se demander comment, si ce scénario catastrophe arrive, on peut le réparer. Et je le prends en exemple d’ailleurs dans le livre, dans le chapitre un, qui est la peur de l’échec avec un personnage fictif, une salariée de 40 ans qui n’ose pas se lancer en tant que thérapeute qui n’ose pas se mettre à son compte. Et si on fait l’exercice de prévention des peurs. Au pire, qu’est ce qui se passe ? Elle pourra reprendre son boulot classique. Elle peut prévenir ses peurs en parlant à son entourage, en mettant de l’argent de côté, etc etc. Donc ça, c’est dans son récit ce qui est super utile. Moi, j’essaye aussi de changer la culture entrepreneuriale et d’être extrêmement transparent sur les échecs qu’ont rencontré tous les entrepreneurs dans leur parcours. Live mentor c’est une entreprise que j’ai créé en 2012. C’est une entreprise qui a mis cinq ans avant de trouver son modèle. C’est une entreprise qui a réalisé 50 000 € de chiffre d’affaires sur ses premières années. En cumulé, ça représentait environ 1 000 € par mois. Moi, j’ai 33 ans, j’ai créé l’entreprise quand j’en avais 23. J’ai commencé à travailler sur le projet quand j’avais 22 ans. A 28 ans, je suis retourné habiter chez ma maman parce qu’on est tellement pas de ressources que je n’avais pas le choix. Donc j’essaye aussi de jouer sur la culture, de jouer sur l’environnement, de jouer sur les messages pour montrer que l’échec es normal et classique. Et une autre approche que j’essaie de pousser énormément, c’est de casser le cycle linéaire du succès. On est conditionné à penser la vie comme une sorte d’ascension permanente. Et donc on peut dire, si on suit ce chemin là, que l’entrepreneuriat, c’est échouer d’abord au début, puis c’est ensuite réussir. Toute l’approche qu’on essaie d’avoir dans les formations et que j’ai essayé d’avoir dans le livre est plutôt celle d’une roue, d’un cycle ou il y a des phases de réussite, des phases d’échec et puis des phases de réussite, et puis des phases d’échec, et puis des phases de réussite et des phases d’échec. Et le voir ainsi permet souvent de libérer l’individu et de lui montrer qu’il se paralyse. Il s’angoisse pour pas grand-chose.

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